Au Mali, un projet de loi adopté mercredi 11 juin en Conseil des ministres prévoit d’accorder un mandat présidentiel sans limite de temps au général Assimi Goïta. Déjà président de la transition, Assimi Goïta restera à la tête de l’État pendant au moins cinq années supplémentaires. Ce mandat est renouvelable, sans élections, jusqu’à la « pacification totale » du Mali et des autres pays de l’Alliance des États du Sahel, le Niger et le Burkina Faso. Le projet de loi doit encore être voté, mais le processus, déjà annoncé, est désormais enclenché.
Au Mali, le projet de loi doit encore être voté par le Conseil national de transition, acquis au régime en place. Il prévoit d’accorder au général Assimi Goïta « un mandat de cinq ans renouvelable à partir de 2025, à l’instar de ses pairs de la confédération des États du Sahel ». La justification officielle est quelque peu tortueuse, pour ne pas dire contradictoire : « Malgré l’adoption d’une nouvelle Constitution » qui avait nécessité l’organisation d’un scrutin en juin 2023 et malgré « le contrôle de l’ensemble du territoire par les Forces armées » et « les résultats obtenus dans la lutte contre le terrorisme », le Mali « et les autres pays de l’AES sont toujours confrontés à la menace de la déstabilisation internationale et l’atteinte aux intérêts vitaux des populations. »
En résumé : la transition avait déjà organisé un vote il y a deux ans, la situation sécuritaire se serait encore améliorée depuis, selon les autorités de transition, mais des élections sont impossibles. La France n’est pas citée, mais la référence à une « déstabilisation internationale » fait écho aux innombrables accusations déjà portées contre Paris par les autorités maliennes de transition, notamment celle d’armer les groupes terroristes sans qu’aucune preuve ne soit jamais exposée.
Le plan était déjà annoncé
Ce maintien au pouvoir, après déjà cinq années de transition depuis le coup d’État militaire d’août 2020, marque une nouvelle et importante étape. Le plan était déjà annoncé et donc connu. Il faisait partie fin avril des « recommandations phares » des concertations des « forces vives de la nation » orchestrées par les autorités dans des conditions opaques et perçues par l’opposition comme une mascarade. Après la dissolution de tous les partis politiques maliens, le maintien au pouvoir du général Assimi Goïta et des institutions de la transition est donc enclenché, conformément au scénario déjà officiellement présenté.
Président « de la République » ou « de la transition » ?
Unique et minime inconnue : Assimi Goïta deviendra-t-il « président de la République » comme le recommandaient les concertations ou restera-t-il « président de la transition » ? Un terme qui, sans perspective électorale pour le retour à l’ordre constitutionnel, perd de facto son sens. Le projet de loi prévoit de modifier la charte de transition pour accorder son nouveau mandat au chef de l’État. Adopté en septembre 2020 au lendemain du coup d’État militaire, le texte avait déjà été modifié en février 2022, notamment pour allonger la durée de la transition, initialement fixée à 18 mois. À l’époque, les colonels putschistes, qui se sont auto-promus généraux depuis, juraient ne pas être intéressés par le pouvoir.
Premières réactions polarisées
Les premières réactions sont à l’image du Mali actuel : radicalement polarisées et divisées en deux camps. Les soutiens du régime en place exultent et publient sur les réseaux sociaux des messages de félicitations et de victoire, saluant la construction d’un « État digne, souverain et durable » ou encore le « sauvetage » du Mali face à l’« impérialisme. »
Les opposants déplorent quant à eux que le Mali sombre encore davantage et dénoncent « un braquage politique maquillé en texte de loi ». Le journaliste malien en exil Malick Konaté s’attriste de « l’enterrement en grande pompe du Mali républicain ». Aujourd’hui, écrit-il, « le régime militaire n’est plus déguisé, il est paré du boubou neuf de la dictature ».