Europe : Escalade verbale entre Ukrainiens et Russes avant les pourparlers à Istanbul

International

Russes et Ukrainiens doivent se retrouver ce jeudi 15 mai, « en deuxième partie de journée », à Istanbul pour négocier et peut-être discuter de la fin de la guerre en Ukraine. Alors que le ton monte entre les deux parties, la Turquie dit avoir « des raisons d’espérer ». 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky envoie, jeudi 15 mai, une délégation ukrainienne à Istanbul, en Turquie, pour rencontrer des représentants russes lors de pourparlers de paix, mais il ne s’y rendra pas lui-même, a annoncé un haut responsable ukrainien à l’AFP. « Le président a décidé que l’Ukraine participerait aujourd’hui aux pourparlers avec la Russie à Istanbul«», a indiqué ce responsable, précisant que la composition exacte de la délégation ukrainienne était « en train » d’être finalisée. Une certitude : Volodymyr Zelensky n’ira pas à Istanbul car la réunion « n’est pas au niveau des présidents », a ajouté cette source.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié la délégation envoyée par Moscou de « factice », en l’absence du chef d’État russe Vladimir Poutine. Moscou a répliqué en le traitant de « clown » et de dirigeant « pathétique », jetant un doute sur l’issue des pourparlers russo-ukrainiens qui doivent s’ouvrir ce jeudi à Istanbul, avant même qu’elles ne débutent. Et les contours de ces échanges, les premiers depuis trois ans, restent encore bien flous. 

En effet, la difficulté pour parvenir à une trêve est que Kiev et Moscou n’ont pas du tout les mêmes exigences sur l’essentiel, à savoir un possible accord de paix. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et l’Europe demandent à la Russie d’accepter un cessez-le-feu avant les pourparlers. Vladimir Poutine, lui, veut des discussions sur « les causes profondes de la guerre » avant une possible trêve.

Ces « causes profondes », évoquées par Moscou, amènent d’ailleurs vers les autres points de désaccord. Le Kremlin veut garder les territoires ukrainiens occupés qui représentent presque un cinquième de l’Ukraine, mais aussi écarter toute adhésion de Kiev à l’Otan, ou encore que ce pays soit une zone neutre sans aucune base militaire étrangère sur son sol. Des exigences qui sont autant de lignes rouges pour Volodymyr Zelensky qui souhaite, par ailleurs, que les sanctions économiques contre la Russie soient maintenues, ou encore que la totalité des 300 milliards d’actifs russes gelés en Europe servent à la future reconstruction de son pays. 

Une délégation ukrainienne sans Volodymyr Zelensky

Arrivée dans la matinée à Istanbul, la délégation russe s’est dite prête « à faire de possibles compromis et à en discuter ».  « Nous considérons ces pourparlers comme la suite du processus de paix d’Istanbul » il y a trois ans, a déclaré à la presse Vladimir Medinski, qui dirige la délégation (voir encadré), assurant que celle-ci était « disposée à mener des discussions constructives, rechercher des solutions possibles et des points de convergence ». Moscou et Kiev se sont rejetés mutuellement la responsabilité de l’échec des premiers pourparlers de paix menés au printemps 2022 en Biélorussie puis en Turquie, dans la foulée de l’invasion russe.

Mais en l’absence de Vladimir Poutine   ce jeudi à Istanbul, Volodymyr Zelensky a fait savoir qu’il avait des doutes sur les capacités de cette délégation à « prendre des décisions ». Les Russes « ne prennent pas les négociations suffisamment au sérieux », a déploré le président ukrainien, à l’évocation de la composition de la délégation russe.

Celle envoyée par Kiev a finalement été dévoilée ce jeudi après-midi. Elle sera conduite par le ministre de la Défense, Roustem Oumerov, et disposera d’un « mandat pour un cessez-le-feu », a indiqué Volodymyr Zelensky depuis Ankara où il a rencontré son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Lui-même n’en fera donc pas partie. Le dirigeant ukrainien s’est néanmoins dit toujours « prêt » à des « discussions directes » avec Vladimir Poutine.

« Je crois que rien ne se passera », dit Trump

Sur les rives du Bosphore, devant le palais de Dolmabahçe où doit avoir lieu la rencontre, plusieurs centaines de journalistes font le pied de grue depuis la matinée, selon des journalistes de l’AFP présents sur place. Des barrières de sécurité ont été installées pour l’arrivée des délégations.

Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a estimé jeudi avoir « suffisamment de raisons d’espérer » dans le succès de ces pourparlers de paix. « Le président ukrainien (Volodymyr) Zelensky est à Ankara pour s’entretenir avec notre président. Une délégation technique russe est à Istanbul. Le secrétaire d’État (américain, Marco) Rubio, est également avec nous ici à Antalya. Ces visites témoignent à elles seules de la volonté que la paix émerge enfin », a indiqué le ministre à l’issue d’une réunion informelle de l’Otan à Antalya (sud).

À bord d’Air Force One, le président américain Donald Trump semble vouloir un peu « doucher » cet optimisme : il a déclaré finalement ne pas s’attendre à des progrès sur l’Ukraine tant qu’il n’aura pas rencontré son homologue russe Vladimir Poutine, qui ne s’est pas rendu en Turquie : « Je crois que rien ne se passera, que vous le vouliez ou non, tant que lui et moi ne serons pas ensemble », a-t-il déclaré aux journalistes à bord de l’avion présidentiel l’emmenant du Qatar aux Émirats arabes unis, dans le cadre d’une tournée dans le Golfe. « Mais nous allons devoir trouver une solution, car trop de gens meurent », a-t-il ajouté.

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Vladimir Medinski, un négociateur ultra-patriotique

Vladimir Medinski, né en Ukraine soviétique et ex-ministre de la Culture, est connu pour sa lecture ultra-patriotique de l’histoire russe, sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages remis en cause par de nombreux historiens pour leur révisionnisme. Il avait déjà pris part aux dernières négociations de paix directes entre Kiev et Moscou, au printemps 2022, qui avaient échoué.

Promu depuis 2020 au poste de conseiller du président russe, Vladimir Medinski apparaît rarement dans les médias. Fin janvier, il avait présenté un nouveau manuel scolaire consacré à « l’histoire militaire de la Russie » destiné à apprendre aux adolescents que l’offensive en Ukraine a été lancée pour « défendre la population du Donbass », région russophone de l’est de l’Ukraine.