CAN : Ces joueurs qui ont marqué le tournoi, puis plus rien… ou presque

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Un but, une parade, une chevauchée ou une empreinte laissée lors d’une Coupe d’Afrique des Nations, et leur nom s’est inscrit dans la légende. Mais après, l’ombre a repris ses droits : ces héros d’un soir n’ont pas confirmé ou retrouvé leur magie. Retour sur 10 étoiles filantes de la CAN qui ont touché le ciel avant de s’éteindre dans le vaste monde du foot.$

Sunday Mba, le jour d’un seigneur (2013)

Pour les Nigérians, le 10 février 2013 restera à jamais la nuit de Sunday Mba. Modeste milieu de terrain, formé dans l’anonymat de la Pepsi Football Academy, Mba, à la suite d’une belle action, inscrit l’unique but de la finale Nigeria-Burkina Faso et les Super Eagles décrochent leur troisième CAN. La nation jubile, un pays entier fête son nouveau héros. Mais la suite s’écrit en pointillés avec des transferts modestes : un petit tour en France en deuxième division (CA Bastia), un exil discret en Turquie, puis silence radio après 2017. Sunday Mba ne retrouvera jamais la lumière. Devenu joueur libre, il enchaîne les tests sans suite, les promesses sans lendemain, avant de disparaître des radars. Mais son but restera pour l’éternité.

Nii Lamptey, l’héritier déchu (1992)

Annoncé par Pelé lui-même comme son successeur, le Ghanéen Nii Lamptey était un phénomène très tôt. Élu meilleur joueur du Mondial U17 en 1991, champion d’Afrique U20, il est médaillé de bronze olympique à Barcelone à 18 ans. La même année, il éclabousse de son talent la CAN 1992 au Sénégal, à l’ombre du génie Abedi Pelé. Il sera l’héritier, c’est certain, jurent les Black Stars et l’Afrique. Mais la courbe s’inverse, vertigineuse. Ballotté d’Anderlecht au PSV, de l’Angleterre à la Turquie, Lamptey ne s’impose nulle part. Un agent peu scrupuleux et des blessures à répétition transforment la promesse en fardeau. À 22 ans, il a déjà tout vécu et presque tout perdu. Sa carrière devient une errance (Italie, Argentine, Turquie, Portugal, Allemagne, Chine, Dubaï) avant de se terminer en Afrique du Sud dans le modeste club de Jomo Cosmos.

Hocine Achiou, Maradona était algérien (2004)

29 janvier 2004 à Sousse, à la CAN tunisienne. Algérie-Égypte, à la 87ᵉ minute, Achiou, qui a remplacé Djamel Belmadi, part de son camp, parcourt près de 60 mètres, dribble deux défenseurs, ajuste le gardien : un but à la Maradona. Un frisson. Le milieu de terrain, qui joue dans le championnat local, offre la victoire aux Fennecs, éternels rivaux des Pharaons. Sa course folle sous le maillot vert revient sur toutes les lèvres. La presse algérienne s’enflamme, on le compare à Madjer, « à Zidane », selon son sélectionneur. Mais le conte de fées s’arrête là. Achiou, enfant de l’USM Alger, tente l’aventure en Suisse, une saison sans s’imposer. Son nom reste à jamais associé à cet exploit. Et à ce surnom en Égypte : « harami » (« le voleur »).

 

Christian Bassogog, le résistant (2017)

En 2017, à la CAN au Gabon, Christian Bassogog surgit du néant. Inconnu du grand public, il électrise la Coupe d’Afrique, termine meilleur joueur du tournoi après avoir été un pilier du sacre camerounais . L’Europe tend l’oreille, la Chine l’arrache  à Aalborg (Danemark) pour six millions d’euros deux semaines après la finale de la CAN. Le rêve européen se dissout dans les yuans avec un salaire annuel de sept millions d’euros. Le génial dribbleur ne percera jamais dans un grand championnat, enchaînant les saisons anonymes en Asie et une parenthèse turque sans éclat. Sa carrière n’a pas répondu à la promesse de 2017, mais il sera avec les Indomptables au Maroc pour tenter de rattraper le temps perdu.

Fantamady Keita, la chute de l’Aigle (1972)

C’était l’âge d’or du football malien. Après Salif Keïta, premier vainqueur du Ballon d’or africain en 1970, Cheick Fantamady Keita se révèle lors de la CAN 1972. Au Cameroun, celui qui est surnommé « Champion » torture les filets adverses, porte le Mali en finale, finit meilleur buteur (5 buts), meilleur joueur de la CAN. La France s’ouvre à lui, Rennes l’accueille comme une star et il marque trois buts lors de ses deux premiers matchs. Mais la magie ne dure pas. Plusieurs fois blessé, il s’exile aux États-Unis, puis revient en France à Angoulême, avant de terminer sa carrière dans l’anonymat à Chaumont, en amateurs.

Manucho, l’étoile filante angolaise (2008)

Il avait tout pour lui : la taille, la puissance, le flair du buteur. La CAN 2008 est son apothéose : quatre buts qui envoient l’Angola en quarts pour la première fois de son histoire et une signature à Manchester United annoncée en fanfare. Manucho, c’était la promesse d’un grand destin, même pour Alex Ferguson. Mais la réalité est plus cruelle. Prêté au Panathinaïkos (Grèce), puis à Hull City, il ne perce jamais en Angleterre. Il revit un moment en Espagne avec le Real Valladolid, mais reprend son ballon de pèlerin en partant en Turquie. Et puis, celui qui avait assommé le Sénégal avec un doublé à la CAN 2008 finira sa carrière dans le modeste club espagnol de l’UE Cornellà.

 

Chaker Alhadhur, gardien pour toujours (2022)

Il n’avait rien demandé à personne. Latéral droit de métier, Chaker Alhadhur se retrouve, par un incroyable concours de circonstances, à défendre les cages des Comores face au Cameroun en 8ᵉˢ de finale de la CAN 2022. L’image fait le tour de la planète, le monde découvre un joueur courageux, et les éloges fleurissent malgré la défaite (1-2). Mais la suite n’offre guère de miracle. Les projecteurs s’éteignent ; relégué au second plan après son passage sans éclat à Ajaccio, il signe pour un an en 2024 aux Sables Vendée Football en N3 (équivalent de la 5e division). Aujourd’hui, Alhadhur est sans club, mais garde un surnom éternel : « gardien », comme ne cessent de l’appeler ses compatriotes comoriens.

Mark Williams, le héros de Johannesburg (1996)

Il fut, le temps d’une finale, l’homme le plus célébré d’Afrique du Sud. En 1996, devant Mandela, Mark Williams inscrit un doublé face à la Tunisie (2-0) et offre à la Rainbow Nation son premier et unique sacre continental, dans une ambiance de renaissance post-apartheid. L’attaquant devient une figure nationale, adulée de Soweto à Cape Town. Joueur de Molenbeek en Belgique, il est transféré en Angleterre à Wolverhampton. Il ne répondra pas aux attentes et quitte les Wolves après 12 matchs sans but et atterrit au Brésil (Corinthians). Sans plus de succès. Puis, c’est la Chine et même le sultanat de Brunei pour enterrer une carrière dont le crépuscule a été la plus belle scène africaine.

Chris Katongo, capitaine lui allait bien (2012)

En 2012, la Zambie crée la surprise : Chris Katongo, capitaine des Chipolopolo, mène ses troupes, marque, galvanise, puis soulève le trophée dans une finale inoubliable contre la Côte d’Ivoire. Il est élu meilleur joueur du tournoi, reçoit les honneurs du président, et toute la Zambie rêve d’un avenir en or pour son soldat, ancien sergent de l’armée zambienne. Mais la carrière de Katongo restera prisonnière d’un parcours modeste. Après des débuts chez les Green Buffaloes, il tente sa chance en Afrique du Sud, puis au Danemark, en Grèce, en Chine. Il ne deviendra jamais la star annoncée, ni l’ambassadeur du football zambien sur les grandes scènes européennes, à l’image de son illustre aîné Kalusha Bwalya.

Alioum Boukar, le rempart oublié (2002)

Dans l’histoire du football camerounais, les gardiens sont souvent des héros : Bell, Nkono, Kameni… Mais en 2000 et 2002, c’est Alioum Boukar qui tient la baraque. Rempart infranchissable, 9 clean-sheets en 12 matchs, la CAN lui offre deux titres et une grosse reconnaissance continentale. Surtout un record : un sacre sans encaisser le moindre but lors de la CAN malienne en 2002. Pourtant, hors des terres africaines, Boukar ne trouvera jamais le club capable d’exploiter son talent. Sa carrière se déroule essentiellement en Turquie de 1996 à 2011, dans des clubs à l’ombre des géants que sont Galatasaray, le Besiktas ou Fenerbahçe.

 

RFI