Phishing, rançongiciels et sextorsion : La cybercriminalité en hausse en Afrique

Afrique

Dans son rapport d’évaluation des cybermenaces pour 2025, Interpol pointe que les arnaques en ligne, les rançongiciels et la compromission de courriers professionnels sont parmi les cybercrimes les plus répandus. Et les pays manquent d’infrastructures informatiques essentielles pour parvenir à lutter efficacement contre ces fléaux.

La cybercriminalité représente plus de 30% de l’ensemble des crimes signalés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Elle apparaît en très forte augmentation dans certains pays. Par exemple, en Zambie, les arnaques en ligne ont explosé : +3 000% entre 2023 et 2024« Les cybercriminels adaptent constamment leurs méthodes pour exploiter les vulnérabilités et frauder aussi bien les particuliers que les entreprises », pointe le rapport d’Interpol.

Parmi les escroqueries les plus utilisées, le phishing (l’hameçonnage, technique utilisée par des fraudeurs pour pouvoir obtenir des renseignements personnels dans le but de perpétrer une usurpation d’identité, NDLR) représente 34% de tous les incidents cyberdétectés à travers l’Afrique. « Le phishing, c’est vraiment la porte d’entrée de la plupart des arnaques. Les cybercriminels envoient des messages qui ressemblent à ceux d’une banque ou d’un service de livraison et incitent les victimes à cliquer sur un lien ou à donner leurs informations personnelles. C’est simple mais redoutablement efficace et très répandu », explique Simon Hirrle, officier spécialisé au sein de l’unité cybercriminalité d’Interpol.

Autre fléau en augmentation : les rançongiciels, ces logiciels malveillants qui bloquent l’accès à l’ordinateur ou à des fichiers en les cryptant, dans le but d’extorquer de l’argent aux victimes. Près de 18 000 attaques de ce type ont été détectées l’an passé en Égypte et plus de 12 000 en Afrique du Sud. Dans certains pays, ces attaques ont touché des infrastructures essentielles comme l’Autorité des routes urbaines du Kenya (KURA) et le Bureau national des statistiques du Nigéria (NBS).

L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est les plus touchés par la cybercriminalité

Interpol note également que la compromission de courriels professionnels a fortement augmenté, tout comme les cas de sextorsions numériques, du chantage en ligne via des images sexuellement explicites. « Ces images peuvent être authentiques ou générées par intelligence artificielle », indique le rapport. Voilà pourquoi Neal Jetton, le directeur de la cybercriminalité d’Interpol, alerte : « La fraude par intelligence artificielle exige une attention urgente. »

L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est sont aujourd’hui les régions les plus touchées par la cybercriminalité. « ​​​​​​​Certaines de nos données indiquent même que l’Éthiopie aurait été le pays le plus ciblé au monde en matière de détections de logiciels malveillants en 2024. C’est un signal fort surtout pour un pays qui se numérise à grande vitesse », analyse Simon Hirrle d’Interpol, selon qui « ​​​​​​​le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire sont des foyers pour les fraudes BEC (une escroquerie dans laquelle des cybercriminels se font passer pour des dirigeants de confiance afin de tromper les collaborateurs en leur faisant envoyer de l’argent ou des données, NDLR) et les arnaques sentimentales ».

Un manque de ressources

Comment parvenir à endiguer ces fléaux contemporains ? « ​​​​​​​Plusieurs pays ont mis en place des unités spécialisées en cybercriminalité et lancé des formations pour les enquêteurs. C’est encourageant », indique Simon Hirrle. Mais au-delà de ces évolutions, « ​​​​​​​le constat reste préoccupant », note cet officier spécialisé au sein de l’unité cybercriminalité d’Interpol. 

« Plus de 90% des pays déclarent manquer de ressources et d’outils pour lutter efficacement contre la cybercriminalité, et 65% des pays africains n’ont pas actualisé leur législation en matière de cybercriminalité au cours des 12 derniers mois. Beaucoup n’ont pas encore de cadre juridique solide pour collecter les preuves numériques ou collaborer avec les grandes entreprises technologiques », termine Simon Hirrle.