Rapport de la Commission Sauvé :  L’Église de France entre honte et sidération

International

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) a rendu son rapport ce mardi 5 octobre. Au sein de l’Église, ce chiffre a fait l’effet d’une déflagration.

Le président de la Conférence des évêques Eric de Moulins-Beaufort, a exprimé devant la presse « sa honte », « son effroi » et demandé « pardon » aux victimes de pédocriminalité après la publication du rapport de la Commission Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église de France. « Nous avons entendu la voix des personnes victimes, entendu leur nombre. Leur voix nous bouleverse, leur nombre nous accable. Il dépasse ce que nous pouvions supposer », a-t-il encore souligné.

Ce rapport estime à 216 000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences ou d’agressions sexuelles pendant leur minorité de la part de clercs ou de religieux catholiques en France, de 1950 à 2020. Ce nombre de victimes grimpe à 330 000 si l’on ajoute les agresseurs laïcs travaillant dans des institutions de l’Église catholique.

La question de la réparation

Interrogé au sujet de la politique de réparation préconisée par la Ciase, Eric de Moulins-Beaufort a déclaré être favorable à ce que la question soit réétudiée. En mars, la Conférence des évêques de France avait annoncé le versement, à partir de 2022 d’une « contribution financière » aux victimes, qui pourrait être soit « individualisée » tout en ne dépassant pas un plafond, soit « forfaitaire ».

L’épiscopat avait aussi voté la création d’un « fonds de dotation ad hoc », ouvert aux dons des évêques, des prêtres et des fidèles. Ce dispositif a été critiqué par une partie des victimes et des fidèles, certains demandant que seuls les diocèses mettent la main à la poche. Le rapport Sauvé préconise quant à lui d’individualiser le calcul de l’indemnisation due à chaque personne victime en fonction des préjudices et propose de financer les indemnités « à partir du patrimoine des agresseurs et de l’Église de France ».

Il faut que l’Église reconnaisse sa responsabilité, et qu’elle le fasse à l’unanimité pour que cela se traduise dans les actes, a insisté l’archevêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel, qui a lui aussi exprimé son « ahurissement » devant les chiffres révélés par la Ciase et sa « honte » sur la manière dont l’Église a géré la question. « L’avenir de l’Église en France se joue aujourd’hui », a-t-il prévenu lors d’une conférence de presse. « Si nous minimisons ce rapport de la Ciase, alors l’Église du Christ en France n’a plus d’avenir, sinon sous la forme d’une petite secte moralisatrice. »

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Depuis qu’il a pris la tête du diocèse en 2017, il a tenté d’y intensifier la lutte contre les abus sexuels. Une cellule d’écoute a été créée, un guide de conduite pour les prêtres a été publié. Le diocèse a même signé un protocole avec les quatre procureurs alsaciens pour faciliter la saisie de la justice.

Avec ce travail, Mgr Luc Ravel pensait que son diocèse en était à la moitié du chemin. « Nous en sommes à peine au tout début », admet-il. En trois ans, son diocèse a identifié 169 victimes, bien loin des milliers que les chiffres de la Ciase laissent imaginer.

La « douleur » du pape

Le pape François devrait quant à lui s’exprimer ce mercredi de vive voix sur le sujet. Mais avant sa traditionnelle audience générale, le Saint-Siège a réagi à la publication du rapport de la Ciase par un communiqué publié en début d’après-midi. « C’est avec douleur » que le pape a pris connaissance du contenu du rapport, y explique son porte-parole.

Il y est écrit que les pensées du pape se tournent en premier lieu vers les victimes. Les mots choisis ne cachent pas le désarroi du souverain pontife, rapporte notre correspondant au Vatican, Eric Sénanque. Le pape François évoque « son immense chagrin » pour leurs blessures et fait part aussi de sa gratitude envers ces victimes pour leur courage d’avoir dénoncé leurs prédateurs.

Le pape François se tourne également vers l’Église de France afin que « ayant pris conscience de cette effroyable réalité », elle puisse entreprendre la voie de la rédemption ». Par ses prières, le pape confie au Seigneur le Peuple de Dieu qui est en France, conclut le communiqué de la salle de presse du Saint-Siège, tout spécialement les victimes, pour qu’Il leur accorde le réconfort et la consolation et afin que, avec la justice, puisse s’accomplir le miracle de la guérison.

RFI